Églises d’hier et d’aujourd’hui: L’église Saint-Nicolas de Mamers
L'Eglise St Nicolas de Mamers est un joyaux qui mérite qu’on s’y intéresse. Placée au milieu de la ville elle est le symbole même de celle-ci bien qu’elle soit en partie cachée par les Halles. Insérée dans le tissu urbain. Son histoire se confond avec celle de la ville:
7ème siècle évangélisation du Saosnois par St Longis, St Viventien, St Rigomer. Le nom de Mamers viendrait de la villa Mamerti des Terres noires de St Rémy des Monts.
11ème siècle, Castrum de la seigneurie de Bellême. Petit fief entre duché de Normandie et comté du Maine. Vers1050 mariage dame Mabile d'Alençon avec Roger II de Montgommery, l'un des plus riches seigneurs d’Angleterre, compagnon de Guillaume le Conquérant, puis son fils Robert II dit le Diable (1052-1113). C’est à cette époque qu’est construit un fort qui domine la vallée de la Dive.
1113: Robert II a trempé dans un complot contre le roi d'Angleterre Henri 1er Beauclair. Il se croit à l'abri par son titre d'ambassadeur de Louis VI. Arrêté, il meurt dans les geôles anglaises. Fin de la seigneurie de Bellême reprise par Henri 1er Beauclair duc de Normandie et roi d'Angleterre.
1204: Charte qui renferme la sentence arbitrale de l'archevêque de Sens pour régler un conflit sûrement ancien entre les chanoines de St Nicolas et les moines du prieuré dépendant de l'abbaye St Laumer de Blois, future église ND. Conflit porte sur la nomination des chanoines et du doyen: accordée au prieur; sur le partage des dîmes, à l'avantage des moines (2/3) sur revenus tirés des fêtes: St Barthélémy (la plus importante), St Julien, St Mamert, St Blaise, St Gilles, Ste Marie-Madeleine (cf vitraux ND.). Le prieur et le doyen devront devront chacun désigner un maître d'école. L’édifice à cette époque : une tour (les 2 premiers niveaux actuels), pas d'ouverture extérieure, un petit toit arrondi avec ouverture pour le guet . Une nef unique ?
2ème moitié du 14ème siècle.
Epoque du comte d'Alençon Pierre II de Valois, fils de Charles II, frère du roi Philippe VI de Valois : une nef, tour surélevée d'un 3ème niveau, gothique + contreforts + petite tour pentagonale avec escalier intérieur qui dessert les 3 étages.
1428: Guerre de Cent Ans. Le Castrum détruit. A partir de 1417, le Saosnois est aux mains de Thomas Montagu (ou Montacute), 4ème comte de Salisbury. En juillet 1428, il doit partir en renfort vers Orléans pour participer au siège d'Orléans. Il y mourra, touché par un boulet de canon, à la fin du mois d'octobre. Avant son départ, il fit démanteler ou raser la plupart des places fortes du Perche et du Saosnois pour empêcher les seigneurs locaux de se les réapproprier. Ainsi furent détruites ou très endommagées les forteresses de St Rémy du Plain, de La Perrière, de Bellême, de Mortagne et en partie celle de Nogent le Rotrou. A Mamers, l'église St Nicolas, insérée dans les fortifications est touchée. Il ne resta que la tour, la partie basse du collatéral et les murs de la nef. Le culte ne pouvant s'y tenir, St Nicolas perd alors son titre d'église paroissiale au profit de Notre-Dame, qui remplace la chapelle du prieuré.
Vers 1480-1556. Epoque de la construction de l'église Notre-Dame. A St Nicolas, la voûte est refaite, en plein cintre (cf mur de l'abside), la nef est un peu allongée ( elle déborde sur la rue) et un portail Renaissance est ajouté (1556).
1590: incendie et destruction de St Nicolas après les affrontements entre Ligueurs et huguenots.
Protestantisme: Martin Luther, Jean calvin ( 1520-1530). Diffusion en France dans la bourgeoisie urbaine et aristocrate du protestantisme. Duché d'Alençon: Charles IV a pour épouse Marguerite de Valois (d'Angoulême, de Navarre) sœur aînée de François 1er er très tolérante à l'égard de la Religion Prétendue Réformée. Mamers, est alors devenue, comme Alençon ou Mortagne l'un des fiefs du protestantisme naissant. La Religion Prétendue Réformée y touche toutes les strates de la société y compris l'aristocratie. C'est le cas de la famille Caillard qui deviendra Caillard d'Aillières. Olivier Caillard, écuyer, est un de ceux-là. Il deviendra médecin ordinaire de Henri de Navarre devenu Henri IV et de sa sœur la duchesse de Bar. Son fils, né en 1576, a pour parrain le futur roi de France.
A Mamers, la prédication protestante est assurée par Honoré de Colombier et Pierre Merlin, un proche de l'amiral de Coligny, qui y installent un temple en 1561. Les protestants sont déjà suffisamment nombreux dans notre ville pour, en 1562, aller prêter main forte, sous la conduite de Christophe Prieur, à des huguenots insurgés au Mans et y participer au pillage des bâtiments religieux.. En représailles, le 3 novembre 1562, une compagnie d'une centaine de soldats commandés par les sieurs Préaux et Boisjourdan arrive à Mamers et, pendant 3 jours, pille et détruit les maisons des huguenots, en massacrent plusieurs dans l'hôtel de la Tête Noire, place des Halles. Macé Loiseau, vieillard de 60 ans, qui avait beaucoup contribué à propager à Mamers la réforme protestante, fut découvert dans une cachette, dont il fut tiré et égorgé. Pierre Lefevre, responsable du temple et fait prisonnier et décapité au Mans. Les Ligueurs revinrent le 1er vendredi de Carême et tuèrent encore 4 personnes : le bonnetier Savary, Denis Gilbert, Nicolas Hamart et Félix Mollet arquebusé parce qu'il avait cuit le pain de la Cène.
L'année 1590 marque le p o i n t d ' o r g u e d e s affrontements. Le 31 mars, les troupes du sieur de Lansac, capitaine ligueur, ayant vainement tenté de prendre la ville du Mans aux mains des huguenots, se replient à Mamers. Elles s o n t i m m é d i a t e m e n t attaquées par celles de Pierre de Fontenay, sire de la Resnière, fait capitaine de Bellême par Henri de Navarre puis gouverneur général de la province du Perche, et René de Saint Denis, baron de Hertré, gouverneur de la ville d'Alençon. Alors que le centre de la ville est incendié, des Ligueurs se retranchent dans la tour clocher de l'église St Nicolas d'où ils tirent sur les assaillants réfugiés sous les halles. Pour les déloger, les troupes huguenotes y mettent le feu. Les Ligueurs doivent se rendre. L'église est presque totalement détruite.
1654-1659: Restauration La restauration du bâtiment n'intervient que plus d'un demi-siècle plus tard entre 1654 et 1659 à l'initiative de Me Jacques Regnault, procureur de l'église pendant 31 ans et qui y fut inhumé le 15 janvier 1660 devant les marches du grand autel. Les voûtes gothiques qui s'étaient effondrées lors de l'incendie ne sont pas reconstruites. On les remplace par un lambris de bois tel qu'on le trouve dans la plupart des églises du Saosnois.
Le curé de Mamers, Me Pierre de Grongnault, prêtre écuyer fait restaurer le portail qu'il bénit le 25 février 1659 lors d'une messe solennelle concélébrée avec le révérendissime frère Gilles Davoust. C'est de cette époque que date également, la fenêtre ovale au- dessus du portail. A l'intérieur, les murs sont recouverts d'une peinture décorative assez simple comportant des arabesques et des fleurs de lys sur un fond ocre.
1755- 65. Nouvelle restauration surtout après le déplacement du grenier à sel vers la rue de Marolette (Charles Granger) en 1763. Chaises, stalles, autel doré, pavage du chœur. Fondation faite par Mme Catherine de Brossard veuve d'un ancien officier de la Maison du Roy.= une chapellenie dédiée à Ste Catherine. Tableau commémoratif : Fuite en Egypte.
Années 1780: nouvel affrontement entre Notre-Dame et St Nicolas. Les fidèles du centre veulent retrouver une paroisse.
En 1782, pour « plaider sa cause » la fabrique de St Nicolas fait badigeonner les murs par le sieur François Sartou, peintre originaire de Milan, spécialiste du blanchissage des églises comme la « mode » de l'époque le voulait. La teinte choisie fut celle de la pierre de St Leu (comme la Tour St Jacques à Paris).
L'affaire rebondit en 1786: cette fois l'évêque consent à ériger St Nicolas en paroisse si les habitants s'engagent à agrandir l'église pour y rassembler jusqu'à 3000 fidèles. Cette nouvelle cure aurait été dotée par l'évêque de la moitié des revenus du prieuré de St Symphorien près de Marolles les Braults. Le projet ayant échoué faute d'espace et de moyens, St Nicolas resta succursale de la paroisse desservi par un vicaire, l'abbé Mortier.
Révolution : St Nicolas sert de lieu de réunion des assemblées politiques, puis de magasin pour stocker les grains pendant la Terreur. L’église est endue au culte sous le Consulat.
Années 1880: Dégradation. 1883-84 fermeture un an pour éviter tout péril. La voûte en lambris est retirée et remplacée par une en brique sur croisée d'ogives, toujours existante. Le retable du chœur, en très mauvais état est enlevé et retaillé.
Les parties intactes sont transférées dans le collatéral et complétées par les restes de l'ancien retable de Notre Dame datant de 1734 et qui avait été démonté après la décision prise, en 1847, de créer un chœur gothique avec déambulatoire et 5 chapelles.
Libéré de ce retable, le chevet plat de St Nicolas est ouvert à nouveau, dans son élévation de l'époque ogivale, mais la verrière est rétrécie d'un côté pour la placer au milieu de cette façade. On y installe alors un vitrail dédiée à St Nicolas .
Travaux depuis : toiture au tournant des années 70 puis 2000...